L'hypothétique reconnaissance de "l'Etat palestinien" à l'ONU pourrait-elle permettre de modifier les rapports de forces en faveur des
palestiniens? Rien est moins sûr.
Depuis une trentaine d'année, la direction"Historique" de l'OLP a fait le choix d'une "solution négociée" avec Israël sous parrainage état-unien. Cette
stratégie s'est concrétisée en 1993-1994 avec les accords d'Oslo qui, selon leurs promoteurs, ouvraient une période intérimaire au cours de laquelle les négociations devaient mener à la
coexistence de deux Etats et à une "solution juste" concernant Jérusalem et les réfugiés. Rien de tel ne s'est produit.: entre 1993 et 2000, le nombre de colons israéliens doublait, tandis que la
promesse de la libération prochaine était sans cesse repoussée
AUTORITE PALESTINIENNE
Dans le même temps, l'OLP achevait de se transformer en appareil d'État - sans État - investissant ses forces dans la
construction de l'Autorité palestinienne (AP). L'AP a progressivement trouvé sa propre raison d'être, avec le développement d'une couche sociale
(ministres, conseillers, responsables des forces de sécurité, négociateurs, hauts fonctionnaires, etc.), bénéficiant de gratifications
matérielles et symboliques non pas dépendantes de la satisfaction des droits nationaux des Palestiniens mais de la survie de
l'appareil d'État et de la poursuite des négociations.
C'est ce décalage de plus en plus flagrant entre la «direction historique» et la population qui a conduit cette dernière à voter contre les
sortants en janvier 2006, en privilégiant le Hamas, alors peu suspect de corruption ou de volonté de collaboration avec l'occupant. Un vote qui signifiait la mort d'Oslo
et du projet d'établissement, au sein des territoires occupés, d'une direction palestinienne à la fois légitime auprès de la population et prête à brader ses droits. Un projet que d'aucuns ont
cru pouvoir ranimer en soutenant la tentative de renversement du Hamas à Gaza et la mise en place à Ramallah, contre le verdict des urnes, du gouvernement de Salam Fayyad, ancien haut
fonctionnaire de la Banque mondiale et du FMI.
Déclaration unilatérale d'indépendance
Ce dernier a progressivement opéré un changement de paradigme dans la gestion de la question palestinienne: pour Fayyad, c'est
un processus volontariste de state building qui permettrait de mettre un terme à l'occupation israélienne,et non la fin de l'occupation qui permettrait de construire un État palestinien.
Le corollaire de ce changement était la "déclaration unilatérale de l'indépendance" prévue
à l'origine pour juillet 2011, à laquelle s'est progressivement substituée la reconnaissance onusienne : à la construction de l'État «par
en bas» s'ajoute désormais à la reconnaissance de l'État «par en haut», c'est-à-dire par les instances internationales, au
premier rang desquelles ONU.
Dépendance
Mais de quel État parle-t-on ? Les quelques bantoustans palestiniens
ne survivent que grâce aux centaines milliers de dollars et d'euros qui
affluent dans les territoires occupés. Une dépendance économique doublée d'une
dépendance politico-sécuritaire à l'égard d'Israël, qui peut à tout moment fermer les
frontières ou les checkpoints et paralyser toute vie en Cisjordanie,à l'image de
ce se passe à Gaza. Est-ce ce pseudo-État que la direction de l'AP entend faire
reconnaître à l'ONU? Qui pourrait croire que cette «reconnaissance»
représenterait un quelconque progrès pour les Palestiniens ?
Certes, les États-Unis ont déjà annoncé qu'ils s'opposeraient à l'admission de la
Palestine comme État membre,et Israël a tenté de décourager connaître un maximum
d'Etat de reconnaître l'Etat palestinien.
Les États-Unis ne veulent pas «lâcher» l'allié israélien mais souhaitent éviter de
recourir à un véto qui dégraderait encore un peu plus leur image dans une région
en plein bouleversement et au sein de laquelle ils tentent de se repositionner. Quant à Israël... Comment un gouvernement qui refuse de démanteler le moindre logement dans les principales colonies de Cisjordanie
aurait-il pu faire autre chose que s'opposer à une revendication palestinienne ?
DERNIERE CARTOUCHE
La démarche à l'ONU, loin de représenter un quelconque progrès pour les
Palestiniens est en réalité la « dernière cartouche» d'une direction palestinienne qui tente de sauver sinon de ressusciter, le projet politique auquel elle est identifiée
et qui lui assure sa survie économique et politique depuis plusieurs décennies.
Elle est prête pour cela à prendre le risque, en faisant du mot d'ordre de l'État
l'alpha et l'oméga de ses gesticulations
diplomatiques, de donner une légitimité internationale aux bantoustans et de
marginaliser définitivement les réfugiés et les Palestiniens d'Israël.
CRITIQUES
Le projet de l'AP est très largement critiqué dans les territoires occupés et chez
les Palestiniens de l'exil, qui accusent la direction de Ramallah de s'éloigner
encore plus des aspirations du peuple palestinien. C'est pourquoi ce
qui inquiète réellement Israël est ailleurs que dans les .travées de l'ONU. En
témoigne cet aveu, sous le sceau de l'anonymat, d'un haut gradé de l'armée
israélienne:
«si nous devons faire face à des manifestations du même type qu'en Egypte ou en Tunisie, nous ne pourrons absolument
rien faire» 1
1 IDF has no way ofstopping mass non-violent protest in West
Bank'» Haaretz.com, 29 juin 2011.
Article de Julien Salingue dans le TEAN n°115 du 15 septembre 2011
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PHOTO DU RASSEMBLEMENT A CLERMONT
POUR LA RECONNAISSANCE DE L'ETAT DE PALESTINE PAR L'ONU